
Sororité : un lien vital pour le bien-être psychologique des femmes
- Mardi 14 Octobre 2025
- #Psychologie
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AMITIÉ FÉMININE : SOUTIEN, ENERGIE ET JOIE
Sororité : un lien vital pour le bien-être psychologique des femmes
La sororité, ce lien de solidarité et de bienveillance entre femmes, est loin d’être une idée abstraite. C’est une réalité psychologique mesurable, dont les effets bénéfiques sur la santé mentale et physique sont désormais bien documentés.
Rires partagés, confidences, “sœurs de vie” : l’amitié féminine n’est pas un simple à-côté de l’existence, mais un véritable déterminant de santé. Les recherches en psychologie contemporaine montrent qu’entre soutien émotionnel, régulation du stress et résilience, la sororité agit comme un « système immunitaire social » : elle renforce la stabilité émotionnelle, protège du stress chronique et favorise le sentiment d’appartenance.
Un mode de régulation du stress … relationnel
Dès les années 2000, la psychologue américaine Shelley E. Taylor a proposé le modèle tend-and-befriend : face au stress, les femmes mobilisent davantage des stratégies de prise de soin et d’alliance (tendre & se lier). Ce mode d’adaptation, soutenu par la libération d’ocytocine, réduit la réactivité physiologique au stress et souligne l’importance des relations de proximité comme amortisseurs émotionnels.
Moins de dépression quand le soutien est là
Des études récentes confirment que les personnes bénéficiant d’un soutien émotionnel fort présentent jusqu’à 55 % de risque en moins de dépression. Le soutien social agit comme un filet protecteur, en favorisant la régulation émotionnelle et en réduisant l’impact des événements stressants.
Un effet particulièrement marqué chez les femmes
Plusieurs travaux montrent que le soutien relationnel a un impact encore plus fort sur la santé psychologique des femmes que sur celle des hommes. Quand l’entourage soutient, les bénéfices sont majeurs ; quand il manque, la vulnérabilité est accrue.
Les hormones de la sororité : apaisement et plaisir partagé
La force de la sororité se joue aussi dans le corps. Les interactions chaleureuses, le rire, les confidences entre amies activent des circuits neurobiologiques précis :
- Ocytocine : hormone du lien, diminue l’anxiété et favorise la sécurité.
- Sérotonine : stabilise l’humeur et renforce la confiance.
- Dopamine : stimule le plaisir et la motivation à se retrouver.
- Endorphines : libérées par le rire, apportent détente et euphorie.
Partager un moment de sororité, c’est déclencher une cascade biochimique protectrice, un antidote naturel au stress.
Rires, sorties, “sœurs de vie” : la micro-interaction compte
Les bénéfices de la sororité ne tiennent pas seulement aux grandes amitiés mais aussi aux interactions du quotidien : une marche, un café, un message vocal. Les recherches post-Covid montrent que même les échanges courts, en présentiel ou virtuel, renforcent l’humeur et le sentiment d’appartenance. Pensez à envoyer un texto, même bref, aux amitiés chères !
La sororité, boussole identitaire et ressort de résilience
La psychanalyste Nancy Chodorow avait déjà mis en évidence que les femmes se construisent dans et par leurs relations. En France, Boris Cyrulnik a largement diffusé l’idée que la résilience, la capacité à se reconstruire après une épreuve, n’est jamais une affaire solitaire : elle naît du regard bienveillant de l’autre. La sororité, en offrant un filet relationnel solide, joue précisément ce rôle : permettre de tenir, de se relever, de réécrire son histoire.
Le lien social, facteur de santé publique
L’hypothèse selon laquelle les relations sociales protègent la santé est ancienne et solidement étayée par la recherche. Dès les années 1950, le médecin épidémiologiste John Cassel observe que les personnes disposant d’un entourage solide résistent mieux aux épreuves et aux maladies. Il avance l’idée que le soutien social agit comme un bouclier contre le stress, limitant ses effets physiologiques.
Quelques décennies plus tard, en 1976, le psychologue Sidney Cobb formule une définition devenue classique : le soutien social, écrit-il, est “l’information qui conduit une personne à croire qu’elle est aimée, estimée et intégrée à un réseau de communication et d’obligation mutuelle”. Ce cadre théorique ouvre la voie à des recherches plus systématiques sur le rôle des liens humains dans la santé.
C’est en 1988 que House, Umberson et Landis publient dans la revue Science un article fondateur : Social Relationships and Health. Ils y démontrent, à partir d’une vaste synthèse de données, que la qualité des relations sociales influence directement la santé physique et la mortalité, avec un impact comparable à celui de comportements de santé comme le tabagisme ou la sédentarité.
Depuis, ces fondements ont été confirmés et étendus par de nombreux travaux dont ceux des professeurs américains, Julianne Holt-Lunstad, Timothy B. Smith, psychologues et J. Bradley Layton, épidémiologiste qui ont mené, en 2010, une méta-analyse de 148 études portant sur plus de 300 000 participants, afin d’évaluer l’impact des relations sociales sur la longévité. Ses résultats sont sans appel : une vie sociale riche et régulière augmente en moyenne de 50 % les chances de survie et ce taux dépasse 60 % lorsque le soutien social* et l’intégration sociale** sont élevés.
En 2023, le Surgeon General américain, Vivek H. Murthy, publie un rapport majeur reconnaissant la solitude et l’isolement social comme une crise de santé publique, aux effets comparables à ceux du tabagisme ou de l’obésité. L’année suivante, en 2024, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) crée une Commission mondiale sur la connexion sociale, coprésidée par Murthy, et publie un rapport révélant que la solitude touche une personne sur six dans le monde, avec des conséquences directes sur la morbidité et la mortalité.
Ces données contemporaines confirment, à l’échelle mondiale, ce que la recherche en psychologie et en santé publique démontre depuis plusieurs décennies : le lien social est un déterminant majeur de la santé physique et psychique. Cultiver des relations régulières, bienveillantes et réciproques devient, littéralement, un facteur de survie.
Dans cette perspective, la sororité s’impose comme une forme privilégiée de lien protecteur. Entre femmes, ces échanges de soutien, d’écoute et de complicité activent des circuits neurobiologiques précis : la libération d’ocytocine, d’endorphines et de dopamine, véritables “hormones de la relation”, qui apaisent, motivent et renforcent le sentiment de sécurité. Rire ensemble, se confier, se prendre dans les bras : ces gestes simples nourrissent le corps autant que l’esprit.
La sororité est un mécanisme biologique d’entraide, un élan vital qui soutient la santé des femmes.
Sororité entre sœurs
La sororité peut être vécue dans les amitiés mais aussi entre sœurs de sang. Certaines fratries féminines incarnent ce lien de soutien et de complicité. Mais les liens familiaux peuvent aussi être complexes, nourris de rivalités ou de loyautés imposées. Plusieurs auteurs — de Boris Cyrulnik à Catherine Vanier ou Serge Tisseron — ont montré que les relations fraternelles jouent un rôle fondamental dans la construction de soi. Mais comme le rappelle Myriam Revault d’Allonnes dans Frères et sœurs : le lien fraternel en question (Érès, 2002), ce n’est pas le lien biologique qui protège, c’est la qualité de la relation, faite de soutien, de différenciation et de reconnaissance mutuelle.
Sororité et argent : l’amitié n’a pas de prix
Après la shrinkflation (réduction des quantités sans baisse de prix), un nouveau terme venu des États-Unis s’invite dans nos conversations : la friendflation. Ce néologisme désigne la montée du coût de la vie jusque dans nos relations amicales : restaurants, week-ends, enterrements de vie de jeune fille, cadeaux collectifs… autant d’occasions de partage qui deviennent, pour certaines, des sources de tension ou d’exclusion. Les reportages récents le montrent bien : entretenir une amitié coûte aujourd’hui plus cher et certaines se sentent mises à l’écart lorsqu’elles n’ont pas les moyens de suivre le rythme. Mais la véritable sororité, n’a pas de prix. Elle ne se mesure ni en additions ni en kilomètres parcourus mais en présence réelle et bienveillance partagée.
Un pique-nique improvisé, une marche, une soirée à la maison peuvent avoir autant de valeur émotionnelle qu’un restaurant chic ou un voyage organisé.
L’essentiel n’est pas de consommer ensemble mais de se relier, de se parler, se soutenir, se rappeler que le lien prime toujours sur le cadre. En somme, la vraie richesse d’une amitié ne dépend pas du portefeuille mais de la qualité du regard que l’on porte sur l’autre.
Quand la sororité doit poser des limites
La sororité n’implique pas de s’oublier pour l’autre. Certaines personnes, empêtrées dans la rumination ou la dépression, peuvent aspirer l’énergie du groupe sans parvenir à entrer dans une dynamique positive. Les recherches sur la co-rumination de la psychologue américaine Amanda. J Rose (2002) montrent que ressasser ensemble les problèmes, sans perspective de solution, entretient l’anxiété et la dépression.
La vraie sororité ne consiste pas à se noyer dans la détresse de l’autre mais à garder, ensemble, la tête hors de l’eau.
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LES TIPS de la Psy :
Comment soutenir sans s’épuiser ?
Fixer des limites claires
Être présente pour ses amies ne signifie pas être disponible à toute heure. Savoir dire « je ne suis pas disponible ce soir mais je serai là pour toi demain » n’est pas un rejet : c’est une manière de se préserver. Poser un cadre protège de l’usure émotionnelle et permet de rester une présence stable et soutenante sur la durée.
Valoriser le positif
Après un moment d’écoute, il est essentiel de réintroduire de la légèreté : rire ensemble, évoquer un souvenir heureux, partager une anecdote. L’humour désamorce ! Le va-et-vient entre gravité et joie favorise la régulation émotionnelle et empêche l’amitié de basculer dans la co-rumination.
Encourager la recherche d’aide quand c’est nécessaire
Une oreille amicale, aussi attentive soit-elle, a ses limites. Si une amie reste enfermée dans la souffrance, il est nécessaire de l’inviter à consulter un psychologue, un médecin ou à rejoindre un groupe de parole. Il ne s’agit pas de « se retirer » mais d’ouvrir le champ des ressources pour alléger la pression sur le cercle amical.
Prendre soin de soi aussi
La sororité repose sur la réciprocité. Pour pouvoir donner, il faut aussi se ressourcer : passer du temps seule, pratiquer une activité régénérante (lecture, nature, sport, art) ou s’appuyer à son tour sur d’autres liens. Les professionnels de la relation d’aide savent combien le don unilatéral épuise. Préserver son propre équilibre, garantit une relation de qualité efficace dans la durée.
Pour aller plus loin :
Amanda J. Rose, psychologue du développement.
Ses travaux expliquent pourquoi certaines formes d’amitié très fusionnelles peuvent à la fois protéger et fragiliser psychologiquement. Effets de l’attachement précoce sur le développement de l’enfant Psychologie du développement (Version en anglais)
L’impact d’une vie sociale épanouissante sur la longévité
De la solitude aux liens sociaux : ouvrir la voie vers des sociétés plus saines
De la solitude aux liens sociaux : ouvrir la voie vers des sociétés plus saines Version en anglais « From loneliness to social connection : charting a path to healthier societies »
L’« épidémie de solitude » reconnue comme un problème de santé publique – Le Monde Article du 7 octobre 2025
Document original : Our Epidemic of Loneliness and Isolation Version en anglais
Méta-analyses de Holt-Lunstad, Smith & Layton27 juillet 2010
Sur les relations fraternelles : voir les travaux de Victor G. Cicirelli (1995)
*Soutien social : avoir des proches sur qui compter
**Intégration sociale : interactions interpersonnelles quotidiennes, même brèves